Allocution de Mme la Conseillère d'Etat Nathalie Fontanet
Monsieur le président du Conseil municipal,
Monsieur le Maire,
Mesdames les conseillères administratives,
Messieurs les anciens conseillers administratifs
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil municipal
Mesdames et Messieurs les anciens élus de Cologny
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités ecclésiastiques
Mesdames et Messieurs les invités,
Je vous remercie de m'avoir invitée à célébrer notre fête nationale dans votre belle commune. C'est un grand plaisir de me trouver avec vous sur le pré Byron. Je rends hommage aux autorités de Cologny qui ont fait l'acquisition de ce pré en 1939. A l'époque, le prix du terrain était plus raisonnable qu'aujourd'hui ! Et ces autorités ont eu la bonne idée de prévoir des servitudes de vue. Grâce à cela, nous bénéficions tous d'un panorama magnifique en cet endroit sans pareil. Voilà un investissement qui était visionnaire, dans tous les sens du terme.
Votre commune est un condensé de tout ce qui fait la force de Genève, et plus largement de la Suisse. A travers l'histoire, Cologny s'est affirmée comme un lieu de passage et d'échange, contribuant ainsi à la prospérité et au rayonnement de toute la région. De nombreux artistes et intellectuels y ont trouvé un cadre propice à la création, dont le poète Georges Byron justement et son amie Mary Shelley. Cologny est plus que jamais tournée vers l'extérieur, puisque c'est ici que le Forum économique mondial a choisi d'établir son siège. Elle a également un rôle phare en matière de culture, notamment à travers la fondation Martin Bodmer. Je vous remercie de contribuer de façon dynamique à la vie culturelle et sociale de notre canton par vos institutions et vos associations.
Cologny est le symbole d'une Suisse où règnent la paix et la prospérité. En ce jour de fête nationale, il nous appartient de prendre la mesure de cette chance.
Apprécions notre prospérité, surtout en cette période de croissance économique et de baisse du chômage. Apprécions de vivre en paix depuis 1847, la fin de la guerre du Sonderbund, alors que tant de conflits ont ravagé la planète depuis lors. Et surtout, veillons Mesdames et Messieurs à entretenir ces bienfaits. Pour cela, il me semble utile de rappeler comment ils nous sont parvenus.
La Suisse n'a pas toujours été prospère. Les Waldstätten qui ont conclu il y a 728 ans un pacte au Grütli étaient des paysans pauvres. Pour améliorer leur sort, ils ont su utiliser leur position stratégique au cœur des Alpes. La circulation des personnes et des marchandises permettait de faire du commerce, mais aussi de prélever des impôts et des taxes, notamment par des péages. Ces impôts ont beaucoup évolué avec le temps, dans une perspective de redistribution et donc de solidarité.
La Suisse n'a pas toujours été en paix non plus. Durant des siècles, elle a multiplié les conflits avec ses voisins et même à l'intérieur de ses frontières. Parce qu'ils étaient pauvres, ses habitants devenaient parfois mercenaires et pouvaient donc périr dans des guerres qui ne les concernaient pas. Heureusement, avec le temps, les Suisses ont cessé de faire la guerre à l'étranger, ils ont aussi cessé de faire la guerre contre l'étranger et même entre eux. Une armée fédérale a progressivement remplacé les armées cantonales. Là encore les cantons ont renforcé leur solidarité.
Comme tous les Etats, la Suisse s'est ainsi construite sur ces deux fondements que sont l'impôt et l'armée. Vous comprendrez que, comme responsable des finances cantonales, je vous parle davantage du premier.
L'impôt et les taxes sont une grande source de créativité. Les habitants de Cologny le savent de longue date. Au 16e siècle, après la Réforme, ils étaient avec les habitants du Petit-Saconnex les plus frappés par une taxe originale décidée par les autorités genevoises. Cette taxe frappait les habitants qui n'assistaient pas au culte. Peut-être que certains Colognotes préféraient payer que subir un sermon. Rassurez-vous, je n'ai pas prévu de taxe pour ceux qui ne m'écouteraient pas jusqu'au bout ce soir; même si je peux encore changer d'avis d'ici la fin de mon discours. C'était pour voir si vous étiez attentifs...
A Genève, l’impôt relève surtout du canton. La marge de manœuvre des communes a toujours été limitée. En 1850, le budget de Cologny était de 5'000 francs par an, alors que celui du canton dépassait le million, donc 200 fois plus. L'écart est moins grand aujourd'hui. Ce qui n'a pas changé en revanche, c'est que Cologny a une situation financière enviable. Dans ses comptes, les recettes dépassaient les dépenses d'un tiers en 1925, de moitié en 1950 ! Ce n'était pas le cas de toutes les communes. C'est parce que les écarts se creusaient entre les plus aisées et les autres, qu'un système de redistribution a été mis en place en 1973. Ce pot commun, la péréquation intercommunale, implique le canton et s'inscrit bien dans la tradition de solidarité de la Suisse.
Ce pot commun a d'ailleurs été élargi il y a deux ans, tout en restant d'une envergure modeste. Malgré cette redistribution, certaines communes ont des impôts communaux deux fois plus élevés que d'autres. Cologny fait d'ailleurs partie des communes contributrices à l'échelle intercommunal et aide ainsi les autres communes à assumer leurs charges.
Il en va des collectivités publiques comme des membres d'une famille : il faut savoir se serrer les coudes. J'en parle d'autant plus volontiers que la péréquation financière existe aussi entre cantons et que Genève y contribue pour 300 millions de francs par an. Vous imaginez que cela ne me réjouit pas quand il s'agit de préparer le budget du Canton. Mais c'est un mécanisme de solidarité légitime, du moment qu'il est conçu dans l'esprit de concertation et de dialogue propre à notre pays. Lorsque nous constatons des déséquilibres, que ce soit au niveau communal ou cantonal, nous devons remettre l'ouvrage sur le métier. Je suis donc convaincue que les communes genevoises sauront participer à la poursuite de l'amélioration des mécanismes de solidarité qui sont l'ADN de notre pays.
Mesdames et Messieurs,
Le 1er août a l'avantage de se situer au cœur d'une période calme de l'année. C'est l'occasion de prendre un peu de recul sur cette année riche en événements. Trois jours clés méritent à mes yeux d'être relevés.
Le premier, j'en suis désolée, nous ramène à l'impôt mais pour une bonne nouvelle! Le 19 mai, la réforme de l'imposition des entreprises a été acceptée à une large majorité, tant fédérale que cantonale. Cette réforme fait partie des adaptations nécessaires du système fiscal suisse aux normes internationales qui n'admettent plus de statuts fiscaux privilégiés. A terme, nous avons beaucoup à gagner. Avec un taux d'imposition des entreprises réduit, nous allons maintenir les emplois, stimuler l'investissement et renforcer l'attractivité de Genève. De plus nous préservons de bonnes relations avec les autres pays.
Une autre journée marquante de 2019 a été celle de la grève des femmes du 14 juin. Elle nous a permis de faire le point sur une évolution essentielle de notre société. Aujourd'hui, les femmes ont des droits égaux à ceux des hommes, elles qui ne pouvaient pas voter au niveau fédéral jusqu'en 1971. Elles ont le droit d'exercer les mêmes fonctions que les hommes avec les mêmes salaires. Mais ces droits restent en partie théoriques. Dans bien des cas, les exécutifs cantonaux ou communaux restent composés de larges majorités masculines, tout comme les instances dirigeantes des entreprises. C'est regrettable, car les faits sont là : partout où l'équilibre entre hommes et femmes se renforce, l'efficacité se renforce. C'est pourquoi le Conseil d'Etat tient à favoriser cet équilibre partout où il peut le faire, notamment dans les conseils d'administration d'entité sous son autorité.
Aujourd'hui, je suis heureuse de constater que sur les trois membres de votre Conseil administratif, deux sont des femmes, et que le bureau de votre conseil municipal compte deux femmes et deux hommes. Votre commune s'inscrit bien dans le sens de l'histoire.
La troisième journée marquante de cette année sera sans conteste le 15 décembre avec l'ouverture du Léman Express. D'un jour à l'autre, nous allons enfin bénéficier d'un réseau ferroviaire régional qui nous permettra de repenser la mobilité dans toute l'agglomération. Le maillon central de ce réseau, la liaison Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse, passe sur le territoire de Cologny. Il a fallu pour cela reconstruire le tunnel de Grange – Canal qui datait tout de même de 1888. Dès le 15 décembre prochain, des dizaines de milliers de voyageurs emprunteront ces voies dans des trains confortables. Depuis plus d'un an déjà, en surface, la voie verte montre le succès que peuvent avoir de nouvelles infrastructures. Vous participez à ces changements et je vous en félicite.
Lorsque nous fêterons le 1er août prochain, j'en suis certaine, Genève et Cologny seront transformés par cette infrastructure propice aux échanges qui sont le moteur de nos communes, de nos cantons de notre pays. Comme l'achat du pré Byron il y a 80 ans, les investissements consentis pour le Léman Express nous ouvrent de beaux horizons.
Mesdames et Messieurs,
Le 1er août nous permet de passer un moment festif, mais aussi de nous souvenir de l'origine de notre beau pays, où il est si agréable de vivre. La Suisse est née d'une soif de liberté, qui a su se conjuguer avec ces valeurs essentielles que sont la tolérance et le respect. En défendant sa liberté et en respectant celle des autres, la Suisse a pu s'affirmer, se développer et devenir le pays que nous pouvons être fiers de célébrer ce soir et dans lequel nous avons la chance de vivre. Nous ne devons pas l'oublier.
Vive Cologny et les communes genevoises,
vive Genève,
vive la Suisse !
Nathalie Fontanet, Conseillère d'Etat
1er août 2019